EASA Newsletter 70-1017

Lettre de la Présidente (French)

Valeria Siniscalchi s’adresse aux membres.

Chers membres d’EASA,

la première moitiĂ© de l’annĂ©e s’est dĂ©roulĂ©e sous le signe d’évĂ©nements qui doivent rĂ©veiller notre esprit critique : les menaces des extrĂ©mismes et des autoritarismes, l’appartenance religieuse ou la notion de race qui reviennent Ă  la charge pour justifier la violence et l’exclusion, et en arrière plan les migrations d’hommes, femmes et enfants qui fuient les guerres ou les persĂ©cutions, qui semblent nous Ă©tonner de moins en moins. Pourtant, il est certain que nous ne pouvons pas rester enfermĂ©s dans une neutralitĂ© scientifique. En tant qu’anthropologues, nous sommes appelĂ©s Ă  prendre position et Ă  jouer un rĂ´le critique et pĂ©dagogique Ă  la fois, au service d’une citoyennetĂ© engagĂ©e. C’est le sens aussi de notre assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de cette annĂ©e, qui aura lieu Ă  Berne le 16 et 17 novembre et qui sera l’occasion de discuter d’un certain nombre de ces thĂ©matiques, cruciales aujourd’hui. Nous avons dĂ©cidĂ© de partir du monde de la recherche pour dĂ©battre des situations de risque et de prĂ©caritĂ© Ă  la fois Ă  l’intĂ©rieur et Ă  l’extĂ©rieur de l’acadĂ©mie : « On Politics and Precarities in Academia: Anthropological Perspectives ». Les Ă©tudes de cas ne manquent pas : de la Turquie au Pakistan en passant par la Grèce, l’engagement intellectuel subit les attaques des politiques Ă©conomiques ou des rĂ©gimes autoritaires produisant diffĂ©rentes formes de prĂ©caritĂ© et de risque. Chandana Mathur, prĂ©sidente de WCAA, dont EASA est membre, partagera les rĂ©sultats d’une enquĂªte sur le thème « Anthropological fieldwork and risk in a violent world ».

Mais la prĂ©caritĂ© assume aussi des formes plus cachĂ©es qui se nichent dans des rapports de pouvoir internes Ă  l’acadĂ©mie auxquels nous sommes habituĂ©s depuis trop longtemps, mais qui assument aujourd’hui des formes nouvelles, en lien avec les logiques et les politiques nĂ©olibĂ©rales. Ces formes de prĂ©caritĂ© rĂ©vèlent aujourd’hui leur in-soutenabilitĂ© et leur profonde contradiction avec les principes que nous professons en tant qu’anthropologues. Le precAnthro Group, qui avait dĂ©jĂ  lancĂ© un dĂ©bat sur ces questions dans le cadre de la confĂ©rence de Milan en 2016, introduira et discutera pendant le sĂ©minaire EASA du mois de novembre une enquĂªte sur la prĂ©caritĂ© au sein de l’universitĂ© qui sera lancĂ©e après les rencontres de Berne.

En 2015, suite Ă  l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale d’EASA organisĂ©e Ă  Prague, le comitĂ© exĂ©cutif avait rĂ©digĂ© un document politique, «Pourquoi l’anthropologie est tellement importante», publiĂ© sur le site de l’EASA en plusieurs langues et destinĂ© Ă  conforter Ă  la visibilitĂ© de l’anthropologie et son utilitĂ© pour comprendre les phĂ©nomènes qui caractĂ©risent la contemporanĂ©itĂ©. A l’issue des rencontres de Berne, que nous espĂ©rons productives, nous souhaitons Ă©galement Ă©laborer un document qui sera prĂ©sentĂ© Ă  la Commission EuropĂ©enne et Ă  d’autres acteurs institutionnels. EASA peut jouer un rĂ´le important non seulement comme association professionnelle mais Ă©galement dans la sensibilisation des pouvoirs publics et la recherche de solutions possibles.

MobilitĂ© et nomadisme au sein de l’acadĂ©mie, mobilitĂ©s professionnelles, mobilitĂ©s liĂ©es aux violences et aux situations de guerre ou aux changements climatiques ne sont qu’une partie des thĂ©matiques qui seront abordĂ©es lors de notre prochaine confĂ©rence qui, comme vous le savez aura lieu Ă  Stockholm en aoĂ»t 2018. Le thème choisi pour cette Ă©dition est Staying, Moving, Settling. La mobilitĂ© permettra d’observer Ă  la fois les dimensions individuelle et collective des mouvements, de prendre en compte les acteurs restĂ©s sur place et les rĂ©seaux qui s’établissent pendant les dĂ©placements ou Ă  l’arrivĂ©e. Les dĂ©placements caractĂ©risent le monde contemporain mais ils ne sont pas nouveaux, avec leurs aspects tragiques, mais aussi l’espoir qui les accompagnent, les enjeux Ă©conomiques et politiques qui sont Ă  l’origine ou qui se produisent quand les individus et les groupes se dĂ©placent. En effet, la mobilitĂ© a aussi des dimensions plus rĂ©gulières et anciennes. Il suffit de penser aux pèlerinages, aux migrations de travail le long de la chaĂ®ne alpine, aux mobilitĂ©s d’un pays Ă  l’autre de l’Europe, Ă  l’intĂ©rieur de la MĂ©diterranĂ©e et au-delĂ  : les migrations relient l’Europe et le reste du monde depuis des siècles. Les dimensions spatiales, les formes et les contextes dans lesquels les dĂ©placements se dĂ©roulent ou sont organisĂ©s, voire empĂªchĂ©s, seront parmi les thèmes que la confĂ©rence permettra d’aborder. L’appel Ă  contributions sera publiĂ© en decembre 2017.

Le travail Ă©ditorial, les initiatives des networks, l’action de lobbying au sein de l’Europe que l’actuel comitĂ© exĂ©cutif essaye de consolider, ou encore notre participation Ă  la WCAA – IUAES nous permettent Ă  cumuler les efforts et les expĂ©riences pour renforcer la place de l’anthropologie et sa visibilitĂ©. Dans ce cadre, nous avons Ă©galement renouvelĂ© notre inscription au sein du EASSH et participerons Ă  l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, concernant le prochain Programme cadre 2021-27, qui aura lieu dĂ©but Novembre Ă  Bruxelles. Enfin, pendant les premiers mois de son mandat, le comitĂ© exĂ©cutif a signĂ© une manifestation d’intĂ©rĂªt concernant le projet LIBRARIA en confirmant sa participation aux principes du rĂ©seau : faciliter et dĂ©velopper des scĂ©narios possibles de publication en open acces dans le champs des sciences humaines et sociales, et explorer des possibilitĂ©s de financement.

La première lettre de ce nouvel exécutif était rédigée en deux langues (français et anglais) qui sont les deux langues officielles d’EASA. Nous renouvelons cette pratique pour la présente lettre en signe de l’ouverture d’EASA vis-à-vis des anthropologies et des langues présentes au sein de l’Europe.

Bien cordialement
Valeria Siniscalchi
Présidente de l’EASA